Walpurgis et la fête du feu

Gundershoffen

avril – juin 2021

Résidence artistique à la Mironde et cuisson festive.

Exploration d’un lieu à travers ses ressources naturelles.

La nuit de Walpurgis est une fête néo païenne qui célèbre, dans la nuit du  30 avril au 1er mai, le passage de  l’ombre à la lumière. Elle correspond à  Beltaine, l’une des huit fêtes inscrites  dans le calendrier celte, qui célèbre  la fin de l’hiver. Elle tire son origine de rites païens  de fécondité et de la célébration de  l’arrivée du printemps.

Du 26 avril au 1er mai 2021 nous avons été accueillies au moulin de Gundershoffen, aussi surnommé la Mironde, un lieu culturel et artistique en devenir. Dans cet espace riche et verdoyant nous avons installé nos tables et nos outils pour une semaine de résidence. Nous avons travaillé avec ce que le lieu nous offrait : fleurs bourgeonnantes, plantes vivaces, terres argileuses, clous rouillés et orties piquantes…  Au fil des jours nous avons exploré ce territoire, appris le nom des plantes et leurs vertus auprès des  locaux, récolté avec parcimonie, expérimenté avec ces ressources et nos savoir-faire.  

C’est au prémices du printemps que nous nous sommes réunies avec le collectif Bouillons, un atelier de design durable crée par les designeuses Louna Desvaux, Laura Conill, Morgane Lozahic et Chloé Stenger, pour célébrer la nuit de Walpurgis à travers nos pratiques créatives et engagées. En reprenant cette date symbolique, souvent associée à celle du sabbat, nous souhaitions autant célébrer l’arrivée du printemps que se réapproprier la figure de la sorcière en mettant en valeur des processus créatifs alternatifs, traditionnellement féminins et intimement liés aux éléments.

Dans notre grande cuve, nous avons  préparé différentes décoctions pour  teindre du tissu : chélidoine, ronces,  verge d’or, gaillet blanc, pelure  d’oignons… Nous avons plongé nos  mains dans les casseroles fumantes  et remué les tissus qui sont devenus  jaune, vert, gris, rose, orange. Nous  avons joué avec les rayons de la lune  rose ou les plantes récoltées pour  créer des motifs sur nos étoffes.

Pour fabriquer du papier, nous  sommes parties à la recherche de  fibres et nous avons récolté de l’ortie,  des herbes ou encore récupéré les  matières restantes de nos bains de  teintures. Nous avons chauffé ces  fibres dans un mélange d’eau et de  cendres, que nous avons récupérées  de nos feux, avant de les mixer  pour en faire de la pâte à papier.  Sur le tamis papetier, les fibres sont  devenues surfaces assemblées, puis  une fois sèches, une feuille de papier. 

Avec les mottes d’argile venant du lit  du ruisseau nous avons modelé des  bols, des assiettes et des contenants  pour un grand repas à venir. Après la récolte, la terre est nettoyée, tamisée et filtrée, puis mise en pain ou conservée en barbotine pour modeler et décorer  les contenants indispensables au repas. 

Nous avons partagé, collaboré, croisé des savoir-faire et des connaissances sur les gestes, la flore, la musique et la cuisine. Nous avons tissé un lien avec ce lieu et ses habitants.

Nous sommes revenues sur ce lieu au début de l’été pour clore ce qui avait été commencé quelques mois auparavant. Nous avons organisé une cuisson festive et poétique, un moment d’échanges et de d’apprentissage que nous avons partagé avec les habitant.e.s, les ami.e.s et les curieu.se.x.

Le premier soir nous construisons un four éphémère de terre et de paille autour des céramiques modelées au début du printemps. Ce four est le foyer central de notre deuxième séjour au moulin de Gundershoffen. Alors qu’il chauffe et que les pièces cuisent, le deuxième jour, nous organisons un atelier participatif pour créer la grande nappe du déjeuner avec la technique d’impression végétale du tataki zomé. Tous ensemble nous frappons les feuilles de ronces récoltées sur le terrain pour créer un motif unique. Le soir, nous veillons en musique autour du four et de ses flammes descendantes, puis au matin du troisième jour, nous ouvrons sa coque de terre pour en sortir la vaisselle encore tiède.

Les morceaux de tissus que nous avons teints lors de notre premier séjour couvrent nos têtes et nos corps, habillent l’espace comme des drapeaux et se posent sur la table du repas. Les couleurs issues des plantes du moulin se propagent ainsi dans le lieu d’une nouvelle manière. Les céramiques encore tièdes du feu les rejoignent pour composer la table de ce repas-cuisson, moment de partage où les convives se retrouvent et les récits se nourrissent les uns des autres.

Les pièces créées pendant la résidence Walpurgis ont été exposées au Garage Coop à Strasbourg et aux Ateliers Babioles à Ivry-sur-Seine en octobre et novembre 2021.

Photos par Marianne Mell et Atelier Bouillons (@bouillons.atelier) / montage vidéos par Louna Desvaux.